AGIR
lire des témoignages de victimes
Louis Pradel
Les victimes de pédophilie ont la plupart du temps une grande difficulté à exprimer ce qu’ils ont vécu, à nommer leurs souffrances, à comprendre les conséquences de l’agression. Très souvent, l’apaisement de leurs souffrances passe par la parole.
D’une part, cela permet de mettre des mots sur ce qu’ils ont vécu, quand ils étaient enfants : trop jeunes pour connaitre la sexualité, trop confiants pour imaginer qu’une « grande personne » puisse leur faire du mal. Nommer les choses peut leur permettre d’enfin y voir un peu clair dans leur propre histoire. D’autre part, exprimer leur souffrance, en parler et notamment aux proches de l’époque, permet d’enfin faire ce qu’ils n’ont pas réussi pendant des années, des décennies, parfois des vies entières. Parler, c’est trouver la force qui leur a manqué ; c’est déplacer la honte ou la culpabilité, des épaules de l’agressé à celles de l’agresseur. Parler, c’est enfin permettre à la justice de faire son travail.
En entendant des témoignages de victimes, les proches peuvent réagir de manières différentes : dénonciation, écoute, accompagnement ; sidération, incompréhension, méfiance ; déni, aveuglement.
Lorsque nous catholiques entendons parler de victimes de prêtres pédophiles, nous pouvons avoir des réactions diverses. Un sentiment de culpabilité peut apparaitre : reconnaitre que ça existe dans notre communauté, qu’on n’a rien vu ou rien fait est très perturbant ! Dans une attitude défensive, on choisit alors parfois le déni, des explications et causes externes : « c’est le fait d’un malade mental », ou « c’est pire ailleurs », «c’est des affaires montées », « un complot des médias », etc…Si ce scandale est probablement utilisé par certains pour combattre l’Église, il est indéniable que le problème existe et qu’il est à l’intérieur. Benoit XVI déclarait en 2010 : «la plus grande persécution contre l’Église ne vient pas d’ennemis du dehors, mais elle naît du péché dans l’Église, et l’Église a donc un profond besoin de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice ».
Ces actes si graves nous semblent tellement impossibles de la part de prêtres que nous apprécions habituellement, que la révélation des actes nous laisse dans l’impossibilité de réagir.
Il importe donc de passer de l’étape de l’incrédulité et de la sidération, à l’étape d’une écoute active des victimes.
C’est ce qu’ont fait les évêques de France lors de leur assemblée en octobre 2018 ; quelques jours après, ils ont voté la tenue d’une commission historique pour faire la lumière sur ces abus. Monseigneur Jean Luc Brunin témoigne : « J’avais été en contact par mail avec deux victimes, mais là, j’ai pu mesurer les ravages intérieurs, témoigne-t-il. Découvrir que la prise de conscience de ces abus n’avait pas été brutale mais précédée d’un processus de destruction intérieure très progressif m’a beaucoup impressionné. »
Pour nous laïcs, lorsque nous n’avons pas été victimes de ces abus, il est sûrement impossible de vraiment comprendre ce qu’a vécu une victime d’agression pédophile ; malgré le dégoût que doit nous inspirer de telles lectures, elles sont pourtant très utiles.
- Elles permettent de comprendre comment les choses peuvent se passer, les stratégies mises en place par les agresseurs.
- Elles permettent de passer d’un problème théorique à une histoire réelle d’une personne avec un prénom, une histoire ; et donc de mieux comprendre l’impact de ces agressions.
- Elles permettent de nous préparer à une écoute bienveillante le jour où nous rencontrerons des victimes.
- Elles suscitent en nous l’envie de nous battre pour ces victimes, pour plus de vérité et de justice.
- Elles permettent enfin de lutter contre le cléricalisme, en nous aidant à reconnaitre que l’Église n’est pas faite de gens parfaits, ni pour des gens parfaits.
Où trouver des témoignages de victimes ?
Le site de la parole libérée propose une vingtaine de témoignages complets de victimes du père Preynat ; bonne lecture !
https://www.laparoleliberee.fr/les-faits/temoignages/
Pour les anglophones, vous pouvez aussi trouver des témoignages sur le site de la commission royale australienne
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